En amont de la Semaine du Climat de New York, Climate Group s'est entretenu avec Mathias Lelievre, directeur général d'ENGIE Impact, pour une séance de questions-réponses sur l'industrie lourde :
1. Les entreprises industrielles et manufacturières jouent un rôle vital pour la plupart des autres secteurs en raison de leur rôle dans la chaîne d'approvisionnement. Pouvez-vous nous parler de l'état du dévloppement durable pour les fabricants ?
Les fabricants sont non seulement confrontés à des défis uniques en matière de décarbonisation, mais ils sont également positionnés - et souvent attendus par la pression de la concurrence et des consommateurs - pour être des leaders dans la réduction des émissions des Scopes 1, 2 et 3.
Les fabricants peuvent ne pas être équipés pour collecter les informations nécessaires dans l'ensemble de leur portefeuille afin de prendre des décisions fondées sur des données concernant l'utilisation des ressources et la gestion du carbone, ce qui rend difficile la priorisation de l'utilisation efficace de l'énergie et des ressources tout au long du processus de fabrication. De plus, ils doivent constamment trouver un équilibre entre la nécessité d'atteindre les objectifs de production et de profit à court terme et celle de réaliser des investissements plus long terme qui porteront leurs fruits dans l'avenir.
Cela dit, si certains fabricants y parviennent très bien, ce n'est pas le cas de beaucoup d'autres. Le défi consiste à envisager la décarbonisation comme une transformation à l'échelle de l'entreprise et non comme une série de projets indépendants, ce qui peut s'avérer particulièrement difficile pour un secteur confronté à des défis impliquant des processus de production rigides et des exigences élevées en termes de qualité, des marges étroites et des implantations qui couvrent des zones géographiques multiples et variées.
Les fabricants n'ont pas le luxe de remettre à plus tard la réduction des émissions du Scope 3. Les fabricants qui en sont conscients prennent des mesures pour s'attaquer à la réduction des émissions Scope 3, mais il faut une grande expertise et de'importants moyens pour définir le futur état de votre chaîne d'approvisionnement.
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2. Les entreprises industrielles sont connues pour avoirs des émissions difficiles à réduire tout en étant soumises à une forte pression en faveur de la décarbonisation. Comment parviennent-elles à concilier ces éléments contradictoires ?
Les émissions sont élevées, mais les objectifs le sont aussi. Nous constatons que les fabricants s'engagent et fixent des objectifs ambitieux pour essayer d'avoir un impact. Les premières conclusions de notre prochain rapport Net Zero 2024 montrent que 72% des répondants de l'industrie manufacturière ont déclaré que leur organisation avait pris des engagements publics concernant les Scopes 1, 2 ou 3. Parmi les autres industries interrogées, moins de deux tiers (64 %) ont pris des engagements publics similaires.
Pour avoir une chance d'atteindre ces objectifs, les industriels doivent continuer à innover, à s'intéresser aux nouvelles technologies et aux les solutions de financement qui rendront la transformation possible. Pour cela ils doivent aussi être parfaitement conscients des options de financement qui leur sont offertes pour rendre ces transformations possibles. L'une de ces possibilités est offerte par le Bureau des Démonstrations d'Energie Propres du Département de lEnergie de l'OCDE qui, en mars 2023, a publié une Annonce d'Opportunité de Financement pour environ 6 milliards de dollars de subventions afin d'accélérer la décarbonisation dans les industries à forte consommation d'énergie par le biais de projets transformateurs qui sont les premières ou des premis du genre ou à une échelle commerciale précoce.
3. Quels sont les stratégies et les processus appliqués par les industriels pour parvenir à une mise en œuvre efficace de la stratégie ?
Ils doivent se rappeler que la décarbonisation est une transformation fondamentale et holistique, et pas seulement un projet d'entreprise. La décarbonisation de l'entreprise nécessite un changement culturel qui entraîne des changements fondamentaux dans le fonctionnement de l'entreprise - sinon, il sera beaucoup plus difficile d'aligner les parties prenantes internes sur la manière de passer de la stratégie à la mise en œuvre.
Pour mettre en évidence un défi pour les fabricants : beaucoup d'entre eux ont plusieurs usines à travers le monde, et doivent naviguer entre les différentes exigences réglementaires. Fondamentalement, votre stratégie doit permettre aux différentes régions d'accéder aux meilleurs talents, à la bonne structure de validation et à la base de connaissances appropriée pour chaque marché et chaque solution technologique. Imaginez que vous essayiez de vous procurer de l'énergie renouvelable avec un ensemble de lignes directrices et de politiques rigides basées sur la réalité d'une seule région. Ce n'est pas une approche transformationnelle qui permettra aux zones locales de capitaliser sur des opportunités précieuses lorsqu'elles se présenteront.
Si vous ne transformez pas fondamentalement la manière dont chaque région agit, la mise en œuvre sera inefficace et probablement chaotique.
4. Pouvez-vous nous donner l'exemple d'un client qui a réussi à mettre en œuvre une grande initiative de développement durable ?
Nous avons un client qui sert l'industrie des soins de santé avec des solutions technologiques fournissant une large gamme de services - de l'imagerie et des ultrasons, à la surveillance des patients, aux soins vitaux comme les ventilateurs - avec une structure de gouvernance ESG qui se concentre sur la réalisation des objectifs fixés, à savoir une réduction d'au moins 50 % des émissions des Scopes 1 et 2 d'ici 2030 par rapport 2019.
Comme il s'agit d'une entreprise de grande envergure, il était important pour nous de soutenir cette transformation de l'intérieur - en informant et en impliquant tout le monde. Nous avons mené la mise en œuvre d'un audit collaboratif et d'un programme de formation pour préciser l'offre, la demande, les projets d'énergie renouvelable et propre, en suivant quatre grands principes :
Valeur : Produire un retour sur investissement élevé, tant pour la formation dispensée que pour les opportunités d'économies d'énergie identifiées.
Engagement : Expérience de collaboration permettant l'adhésion de l'ensemble des parties prenantes
Échelle : Les ateliers réunissent généralement 10 sites afin de permettre des économies d'échelle et d'assurer la réplicabilité des solutions sur l'ensemble d'un portefeuille.
Rapidité : Un processus efficace avec des exigences minimales pour les participants
Nous avons contribué à l'établissement d'un benchmark spécifique à chaque site, avec des pistes claires et praticables pour atteindre les objectifs de réduction - y compris la priorisation des opportunités de projets au sein d'un même site et entre les sites pour soutenir le séquençage de la mise en œuvre. Les ateliers ont permis d'identifier un potentiel de réduction de 9 % des coûts annuels (2,6 millions de dollars par an), de 8 % de la demande (30 GWh par an), 26 % de réduction potentielle des émissions de carbone (28 600 MT par an) et bien plus encore.
Dans l'ensemble, les employés du client ont été responsabilisés et équipés pour diriger et gérer le plan d'action, créant ainsi le changement durable nécessaire pour atteindre leurs engagements en matière de réductions d'émissions carbonées et leurs objectifs commerciaux.
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